« La technique devient un enchantement. Nous succombons à ses sortilèges. La seule façon de désenchanter la technique, c’est de se déconnecter » écrivait Alain Finkielkraut.
Le sujet des écrans semble déjà vu et revu, lu et relu, digéré et assimilé, et pourtant…il est d’une étonnante actualité pour les élèves certes, mais aussi pour les éducateurs, qu’ils soient enseignants, parents, chefs, ou les trois à la fois.
La fermeté dans ce domaine peut sembler bien exigeante, voire un peu dépassée tant on sait combien internet est nécessaire partout et tout le temps : acheter son billet de train, son ticket de métro, vérifier la présence de vélo’v à la borne, calculer son itinéraire, connaitre la météo avant de sortir, s’enquérir des grèves ou même vérifier l’horaire d’une messe. Et pourtant, le principe même de l’écran est scientifiquement connu comme étant malsain pour les enfants et adolescents. Par ailleurs nous verrons combien l’accès à internet, sans limite ni contrôle, est délétère chez un jeune de 15 ans et en particulier ces fameux réseaux sociaux.
Mais quels sont donc ces « dégâts énormes » évoqués par plus d’un spécialiste de la question ?
Ils pourraient être classés en 3 natures différentes : des dégâts physiques, psychologiques et moraux. Plus on est accroché à son smartphone ou sa tablette, plus ces travers sont visibles. Et surtout plus on est accroché jeune à son écran, plus les méfaits sont délétères car le cerveau, le corps tout entier sont encore en développement, l’esprit et l’âme bien davantage.
Des méfaits physiques tout d’abord :
la sédentarité et le surpoids, pouvant aussi aller jusqu’à des problèmes de diabète ou tout simplement de mauvaise motricité,
le manque de sommeil car il est bien connu que l’écran produit une lumière bleue qui retarde la libération de la mélatonine, une hormone nécessaire à l’endormissement. Les adolescents ressentent davantage les effets de la lumière bleue parce que leurs yeux ne la filtrent pas aussi bien que ceux des adultes (le cristallin s’opacifie avec l’âge). Lorsqu’ils sont utilisés en soirée, les écrans nuisent donc au sommeil des jeunes. De plus, l’attrait des multiples activités en ligne (jeux, médias sociaux, séries, documentaires) incite à repousser l’heure de coucher.
les troubles de la vue aussi.
D’un point de vue psychologique, les méfaits sont tout aussi importants et pourtant plus retors car visibles plus tardivement. Plus chacun d’entre nous glisse dans cette addiction, plus on observera certaines caractéristiques suivantes :
La détérioration de la mémoire. Le monde numérique est le royaume du « zapping », du « scroll » donc de la mémoire à court terme. Il nous est difficile ensuite pour nous d’apprendre des éléments avec précisions et en quantité.
En lien avec la mémoire, la concentration. Sur les écrans on passe d’une chose à l’autre si facilement…si bien que l’on va sur sa boite mail pour écrire à M. Durand et que 15min après, on referme sa boite mail sans avoir écrit à M. Durand.
Plus inattendue, la diminution de l’estime de soi. Nous ne sommes pas aussi habiles que tel bricoleur de youtube, pas aussi sportif, ou aussi bien habillé qu’untel ou unetelle. En bref, il pourrait en ressortir que notre quotidien est nettement moins reluisant et nos capacités franchement limitées par rapport à ce qu’offre le net. Et cela peut nous attrister, nous adultes, nous complexer même. Que dire alors d’adolescents sans cesse en quête de modèles et à l’estime d’eux-mêmes si fragile !
L’augmentation du stress, par exemple au contact de toutes les nouvelles du jour dans toutes les régions de France et du monde. L’hyper-information ne peut que nous inquiéter !
Plus surprenant encore : le smartphone freinerait le développement des expressions faciales, surtout chez les plus jeunes qui ne les auraient pas encore acquises, donc appauvrirait leur capacité relationnelle et émotionnelle.
Enfin, l’accès aux écrans mais surtout aux smartphones pose également un problème moral. Car il s’agit d’adolescents. Il existe effectivement des contrôles parentaux permettant de limiter l’accès à certains sites et le temps d’allumage de l’écran. C’est déjà une excellente chose. Mais la tentation est partout et certains filtres se sont révélés inefficaces. Je ne parle même pas des immondices qui s’affichent parfois sur nos écrans et que l’antivirus a laissé échapper : ce sont plutôt des images choc dans des articles de journaux, des publicités au milieu d’articles savants. Ce serait faire un pari un peu audacieux que d’espérer n’avoir aucun inconvénient de ce genre en donnant un smartphone à un garçon de 15 ans. Et lui aura moins de recul qu’un adulte.
Pour garder toute sa cohérence, le Lycée demande également aux élèves de ne pas avoir de compte sur les réseaux sociaux ; non pas que Facebook soit fondamentalement nocif ou Instagram inutile. Il s’agit bien davantage de les protéger contre des passe-temps déraisonnables, la plupart du temps chronophages et voyeuristes, qui, à leur âge, ne leur apporteraient que du « divertissement » au sens pascalien du terme et non la « substantifique moelle » de Rabelais. Or c’est de cette dernière que le Lycée veut les nourrir dans leurs âmes et leurs esprits. Nos élèves auront davantage les armes intellectuelles et morales dans leur cursus universitaire, grâce à la maturité acquise, qu’ils ne les possèdent vraiment en début de lycée.
Nous pourrions ici nous rappeler ces mots de l’abbé Berto : « La fin de l’éducation est que l’enfant en vienne à préférer librement pour toujours le vrai au faux, le bien au mal, le juste à l’injuste, le beau au laid, et Dieu à tout. » C’est ce à quoi s’engage l’équipe pédagogique de notre Lycée en particulier dans le respect du 3e point du règlement[1], et les parents avec elle, chacun se soutenant pour mener les élèves à la sainteté.
[1] 3e point du règlement intérieur du lycée :
« Usage du téléphone portable et d’internet:
- En raison des dégâts énormes causés par un mauvais usage d’internet chez les jeunes, le Lycée Saint-Augustin a pris la décision d’interdire les smartphones et tous les appareils ayant une connexion à Internet. Nous souhaitons ainsi aider les parents dans leur difficile mission d’éducateurs chrétiens et protéger nos élèves. Seuls les téléphones dit "9 touches" sont autorisés et doivent être déposés le matin dans le panier prévu à cet effet (bien inscrire le nom de l’élève sur le téléphone).
- Nous demandons aux lycéens de s’engager à ne pas avoir de comptes sur les réseaux sociaux, et aux parents de s’engager à faire respecter cet interdit. »